Au commencement, presque rien
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Taxis et vide sur Van Horne |
Je suis à l'angle des avenues Van Horne et du Parc, à 5 h 30 précises.
Les seuls véhicules occupant la rue sont des taxis, des camions et quelques
travailleurs matinaux, café à la main; c'est l'Action de grâce, jour férié, il
n'y aura donc pas beaucoup d'animation ce matin. Le silence me permet de
déceler quelques sons ambiants, comme ce poste de radio francophone, qui me
provient d'un des appartements au-dessus des commerces. Je m'engage vers le Sud
dans la ruelle entre Parc et Hutchinson, et une des rares fenêtres allumées
laisse entrevoir de nombreuses bouteilles de bière, émettent une musique douce
ainsi que les bribes d'une conversation amicale, vestiges d'une soirée qui
n'est toujours pas terminée. La noirceur de cet endroit dévoile un ciel
richement étoilé comme on en voit rarement en ville. De retour sur Parc au coin
de Bernard, c'est toujours le calme plat. Un calme qui m'apaise, qui donne
l'occasion de se laisser envahir par autre chose que le bruit des moteurs.
Le jour qui perce
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Premières lueurs |
Au coin de Saint-Viateur et Hutchinson, en remontant vers Van Horne,
quelques lumières s'allument aux façades des maisons. Il est maintenant 6 h, je
croise mon premier autobus sur Bernard et mon premier cycliste. Le débit de
voitures augmente tranquillement. Il est maintenant possible de distinguer
clairement, mais discrètement une lueur dans le ciel, vers l'est. Le soleil
levant me donne l'assurance de vaquer à mes occupations; la vie continue. Sur
Saint-Viateur, je retrouve un peu plus de piétons, ainsi qu'un dépanneur ouvert
vingt-quatre heures. Certains commerces affichent leur horaire pour cette
journée du 8 octobre; la plupart sont fermés, mais certains rappellent qu'ils
seront bien ouverts. Le boulanger, lui, est fidèle à son poste, devant ses
fourneaux. Je prends ensuite Stuart vers le sud. Je croise deux écoles, le
Collège Saint-Stanislas et l'école Guy-Drummond, qui contribuent à rendre le
coin rassurant, sécuritaire. J'arrive au parc Beaubien vers 6 h 40, et
l'absence de végétation due au grand terrain de soccer me permet d'admirer le
flanc de la montagne qui baigne dans la lumière naissante du jour : on y
aperçoit le château Maplewood ainsi que la faculté de musique de l'Université de
Montréal.
Quand la ville fais la grasse matinée
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Au sud de Côte-Sainte-Catherine, de grands espaces luxueux |
Il commence réellement à faire jour lorsque je parviens au chemin de la
Côte-Sainte-Catherine, au croisement de McEachran. Je passerai les quinze
prochaines minutes assis sur un banc occupant le coin nord-ouest de
l'intersection, notant mes observations. Comme la rue est paisible, comme elle
est différente de lorsque je l'emprunte aux heures de pointe! Se retrouver dans
cet environnement habituellement bruyant et stressant à cette heure du matin
est apaisant. Je m'y sens presque comme dans mon salon. On entend les oiseaux
chanter, ne se laissant pas abattre par le froid; un coureur parcourt les
tracés sinueux du parc à ma gauche. Je décide de poursuivre mon chemin sur une
avenue du nom de Pagnuelo, et ce faisant je pénètre dans un quartier des plus
chics, ce que pouvait laisser présager l'opulence des maisons situées sur
Côte-Sainte-Catherine ainsi que l'élévation naturelle du lieu, qui offre d'imprenables
vues sur la ville. Ici, chaque demeure rivalise de prestige avec sa
voisine : il s'agit de qui a l'aménagement paysager le plus réussi, la
statue ou la fontaine la plus jolie. J'erre dans les rues jusqu'à ce que je me
retrouve à l'arrière du château Maplewood, à l'entrée des bois.
Une oasis inattendue
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Esplanade en pierre |
Un panneau d'information m'apprend que la Ville effectue sur le flanc
nord du mont Royal des travaux d'aménagement visant à ouvrir au public cette
portion moins connue de notre symbole montréalais. En effet, jusqu'à présent,
elle était occupée principalement par les cimetières Mont-Royal et
Notre-Dame-Des-Neiges. Je m'aventure donc dans la forêt en longeant l'arrière
des bâtiments de l'Université de Montréal, pour ensuite piquer vers les
hauteurs de la montagne. C'est alors que je découvre les chantiers en question.
Des pelles mécaniques s'affairent à aménager un réseau de grandes places en
dalles de pierre, qui offrent des points de vues nouveaux sur le nord de la
ville (comme on est jour férié, personne n'y travaille). Mais comme les travaux
sont en cours et que l'endroit n'est pas ouvert au public, les sentiers sont
boueux et il est difficile de s'y retrouver. Je redescends à travers les
stationnements de l'Université, aux alentours du pavillon Roger Gaudry.
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Panorama offert par les nouveaux aménagements |
Le début dans la fin
Je me retrouve ensuite dans l'environnement très familier de la rue
Édouard-Montpetit et du campus de l'Université de Montréal. Même s'il n'y a pas
cours, je vois des étudiants se diriger vers leur faculté. Il est maintenant
huit heures passées et je sens que la journée est véritablement commencée. Je
suis en confiance dans l'atmosphère que dégage ce segment d'Édouard-Montpetit,
probablement à cause du fait que je le fréquente très souvent : rien ne
m'est inconnu, tout est prévisible. Je marche le long de la rue jusqu'à ce que
l'autobus 51 se montre à l'horizon. C'est l'heure de rentrer.
Jérémie Aubry-Régnier